Une tribune de Philippe Hayat, ce jour, dans le quotidien Les Echos, relative aux texte en discussion au Sénat sur le statut de l’auto-entrepreneur.

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Messieurs les Sénateurs, vous tenez entre les mains un texte révolutionnaire : le statut de l’auto-entrepreneur.

Par Philippe Hayat, Président de 100.000 entrepreneurs et Professeur à Sciences Po

Le projet de loi dit de « modernisation de l’économie » vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale. Le texte est à présent soumis à l’analyse de la Haute Assemblée. Puissent les Sénateurs prendre conscience de l’importance historique de ce texte pour un pays réputé peu enclin à l’entrepreneuriat.

Le premier volet de ce projet de loi vise à stimuler la mobilisation des entrepreneurs. Il porte des mesures tout à fait importantes pour le développement des PME (plafonnement à 60 jours calendaires des délais de paiement entre les entreprises, accès préférentiel des PME innovantes aux commandes publiques, imputation immédiate des déficits de l’entreprise sur le revenu de ses associés, neutralisation de l’impact du franchissement des seuils lorsque l’entreprise passe à 10, puis à 20 salariés, incitation à la transmission d’entreprise aux salariés ou au cercle familial). Mais c’est bien le chapitre sur la création du régime de l’ « auto-entrepreneur » qui en fait un texte révolutionnaire.

L’auto-entrepreneur est une personne désirant mener une activité professionnelle indépendante, à revenus limités (80.000 € pour une activité commerciale, 32.000 € pour une activité de services), à titre principal ou parallèlement à son statut de salarié ou de retraité. Ce nouveau régime encourage aussi bien l’étudiant, le chômeur, l’artisan ou le commerçant à se lancer : il lui permet d’exercer son activité sur simple déclaration ; il lui fait payer des charges uniquement en fonction du chiffre d’affaires qu’il réalise (13% du chiffre d’affaires pour une activité commerciale, 23 % pour une activité de services) ; il protège l’ensemble de son patrimoine immobilier ; il lui permet de cotiser pour sa couverture sociale et sa retraite.

Si ce statut est révolutionnaire, c’est parce qu’au-delà des mesures administratives, financières ou fiscales, il favorise l’émergence d’une véritable culture entrepreneuriale. En permettant à l’indépendant, au salarié ou au retraité de « tester » l’entrepreneuriat à petite échelle, de façon simple et sans prendre de risque, l’auto-entrepreneur s’initie à l’acte d’entreprendre. Il en démystifie les difficultés ; il se découvre porteur d’initiative, il goûte à la satisfaction de porter son propre projet. L’entrepreneur ainsi désinhibé prendra plus facilement le risque de transformer sa micro-entreprise en petite entreprise, qui, lorsqu’elle grandira, contribuera à créer des richesses, de l’innovation et de l’emploi.

Cette incitation à entreprendre intervient au bon moment. Le développement des plates-formes de commerce électronique favorisent l’émergence de nouvelles opportunités entrepreneuriales. Aujourd’hui déjà, des dizaines de milliers de particuliers achètent et revendent des produits et services sur Internet de façon quasi-professionnelle. Demain, l’explosion attendue des services à la personne transformera de nombreux individus en offreur de services. Ces nouvelles activités sont une réalité, et le régime de l’auto-entrepreneur s’y adapte particulièrement bien. Il s’avère même indispensable pour encadrer réglementairement cette économie des temps modernes et lutter contre le travail non déclaré. Il permettra à chacun d’exercer son activité selon les mêmes règles du jeu, au sein d’une compétition légalisée.

Entreprendre n’est pas un acte naturel dans notre pays, puisque trois entrepreneurs français sur quatre sont issus d’une famille d’entrepreneurs. Et pourtant, un français sur deux souhaiterait entreprendre. Le régime de l’auto-entrepreneur l’incitera à découvrir que cette aventure est à portée de main.

Messieurs les Sénateurs, ne gâchez pas cette chance.