Le 24 septembre marque la sortie du film tant attendu intitulé « Entre les murs », récent lauréat du Festival de Cannes. Ce film est remarquable à bien des égards, notamment par le réalisme qu’il dégage, le talent de ses jeunes acteurs, et l’originalité de sa mise en scène façon documentaire.

Pourtant, je suis sorti de la salle en ressentant un certain malaise. Ce film m’a envoyé en pleine figure le désarroi  de jeunes adolescents, notamment ceux issus de l’immigration. Que nous disent-ils ? Qu’ils ressentent la société hostile, l’avenir sombre, l’autorité professorale incongrue. Ces jeunes se sont psychologiquement installés dans une catégorie à problème (la société les y a sans doute bien aidés) : celle qui n’a rien et ne peut rien espérer. Celle qui se révolte par la négation et la violence.

Notre première impulsion de spectateurs pourrait nous conduire à les plaindre. Ce n’est pas un service à leur rendre. Cette réaction, née d’un mélange de culpabilité, de compassion et d’impuissance, conduirait à installer durablement ces jeunes défavorisés dans la catégorie des victimes. En les confortant dans ce rôle, on les priverait du goût de l’effort et des anticorps nécessaires pour lutter contre les difficultés de l’existence et se construire une vie digne.

Ces jeunes n’ont pas besoin de compassion, ils ont besoin de respect. Ils ont besoin de s’entendre dire : « vous aussi, vous pouvez y arriver, il n’y a pas de fatalité, prenez votre vie en main, entreprenez, car personne ne le fera pour vous ». Le film a montré la face sombre du problème. Il aurait pu montrer également l’énergie entrepreneuriale qui se dégage de ces jeunes, énergie que 100.000 entrepreneurs mesure tous les jours. Parmi eux, les jeunes filles issues de l’immigration portent en elles une volonté extraordinaire. Véritables moteurs de l’intégration, elles ont compris que la réussite scolaire et professionnelle constitue le meilleur garant de leur émancipation.

Appuyons-nous sur ces futurs entrepreneurs et sur ces jeunes filles, ne ratons pas cette chance. Témoignons-leur de la possibilité d’entreprendre, faisons leur partager nos expériences, accueillons-les dans nos univers professionnels avec toute l’estime qu’ils méritent. Fiers d’eux-mêmes, ils reprendront l’initiative.

Philippe Hayat