Pour poursuivre notre réflexion à propos du trompe-l’œil sur les créations d’entreprise en France, nous souhaitions revenir sur les blocages liés aux difficultés de financer un projet quel qu’il soit. Parmi les 327 396 entreprises créées en 2008, combien ont facilement trouvé un financement ? Et qu’en sera-t-il demain avec le durcissement de l’accès au crédit résultant de la crise financière ?

On ne le dira jamais assez : réunir les premiers fonds lorsque le projet n’est encore qu’un concept relève du parcours du combattant en France. Une entreprise française sur trois démarre avec moins de cinq mille euros, et seulement une sur cent dispose d’un capital initial supérieur à 100 000 euros. Comment alors faire face à des développements technologiques pouvant rapidement atteindre quelques millions d’euros ? 

Les fonds institutionnels préfèrent investir dans les entreprises mûres, une fois les premiers clients obtenus et la rentabilité atteinte. Quant aux investisseurs providentiels (ou « business angels »), ils ne trouvent pas dans nos règles fiscales une incitation suffisante pour assumer un tel risque. C’est la raison pour laquelle ils ne sont que 4 000 en France, contre 50 000 au Royaume-Uni et 500 000 aux Etats-Unis. Les entrepreneurs de croissance sont ainsi privés de plusieurs milliards d’euros qui iront vers l’épargne plutôt que l’investissement. Ils sont également privés de l’accompagnement opérationnel que peut fournir la présence d’un investisseur providentiel dans son tour de table.

Mais encourager les investisseurs et les entrepreneurs de croissance présente un risque électoral que les gouvernements de tout bord ne souhaitent pas prendre. Comment expliquer, sinon, le maintien de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune qui laisse partir chaque jour à l’étranger deux fortunes françaises – souvent parmi les entrepreneurs à succès ? Or on sait pertinent que très vite, ils vont ré-entreprendre, investir et consommer … sauf qu’ils ne le feront plus en France.

Plus aujourd’hui encore qu’hier, nous avons besoin de ces entrepreneurs pour remettre le pays en mouvement. Les entrepreneurs diffusent le sens de l’effort et le goût du risque ; ils sont chaque jour deux millions et demi à réinventer leur avenir, en le construisant contre vents et marées. Aux jeunes générations, ils lancent un message : “on gagne sa vie à hauteur de l’effort qu’on déploie et des risques que l’on ose prendre”. En période de crise, la parole doit vraiment être donnée aux entrepreneurs.

Philippe Hayat