Une tribune de Philippe Hayat – Président de 100 000 Entrepreneurs.
A propos de la création d'un "Haut Commissariat à la Jeunesse" confié à Martin Hirsch.

Le contraste est saisissant : ce mardi 20 janvier marque l’arrivée au pourvoir de Barack Obama, porté par deux jeunes américains sur trois. Inédit depuis la campagne de Robert Kennedy en 1968, la mobilisation de la jeunesse américaine a enflé de 10% par rapport à l’élection présidentielle précédente. Dans le même temps en France, les jeunes bloquent l’accès des lycées à quatre mois des examens et défilent dans la rue. A ce malaise, le Président de la République répond par la création d’un « Haut Commissariat à la Jeunesse ». N’assistons-nous pas à un dialogue de sourd ?

Notre pays est malade, non pas à cause de la crise économique, mais parce qu’il ne fait plus rêver sa jeunesse. Elle semble résignée. Cette souffrance s’inscrit dans un contexte où 22% des jeunes – et deux jeunes non diplômés sur cinq – n’ont pas d’emploi (contre respectivement 12 % au Royaume-Uni et 15 % en Allemagne). 90 % des jeunes de 18 ans, et deux tiers des moins de 26 ans, entrent aujourd’hui dans la vie active avec un contrat précaire. Le malaise des jeunes français s’exprime avant tout la peur dans l’avenir : seulement 4% d’entre eux jugent l’avenir prometteur ; un jeune sur quatre croit en ses chances de décrocher un travail intéressant (étude « Les jeunesses face à leur avenir », Fondation pour l’innovation politique). Comment refréner cette résignation ?

Tout d’abord en reprenant confiance dans le pouvoir politique. Les jeunes l’ont fait bruyamment reculer à sept reprises ces dix dernières années. Si 79% des 18-24 ans ont une mauvaise image des hommes politiques (sondage Ipsos Graine de citoyen), c’est parce qu’ils ne retrouvent pas dans leurs mots et leurs actes le souffle d’un destin collectif, tel qu’on peut le discerner de l’autre côté de l’Atlantique. Un  nouveau discours économique et social reste à élaborer, bâti autour de l’envie, du sens retrouvé et du goût de l’effort. Il s’agit de donner à chaque jeune l’ambition d’entreprendre – c’est-à-dire de prendre sa vie en mains – et la possibilité de le faire.

« Quel projet professionnel ai-je envie de porter plus tard ? », voilà la question qui devrait être abordée dès la Troisième dans les parcours de découverte professionnelle, puis chaque année suivante, quelle que soit la filière d’enseignement. Sur cette question, les entrepreneurs doivent prendre le relais des politiques pour s’adresser aux jeunes. Il faut appeler à leur mobilisation générale : créateurs d’entreprise, artistes, responsables associatifs, chefs de projets au sein d’un groupe ou de la fonction publique doivent se rendre dans les classes, raconter leur aventure, expliquer le monde professionnel et témoigner qu’il est possible de s’épanouir dans un projet librement choisi. Dans les yeux de ces jeunes qui manifestent et qui disent « non » sans vraiment savoir l’objet de leur refus, l’avenir prendrait alors une autre couleur.

Philippe Hayat