Lorsqu’un entrepreneur intervient devant une classe, les élèves lui posent immanquablement la question suivante : « êtes-vous devenus riche ? ». Chaque entrepreneur répond comme il l’entend, selon sa sensibilité. Lorsqu’on me pose la question, je réponds généralement aux élèves par une autre question :

« – Selon vous, l’entrepreneur est-il le premier à se rémunérer dans son entreprise ?
– Non, bien sûr, répondent-ils en chœur, il faut d’abord payer les salariés, puis les fournisseurs, puis les impôts … »

Je poursuis :

– Et s’il ne reste plus d’argent pour l’entrepreneur ?
– Eh bien tant pis pour lui, il ne gagne rien !
– Et s’il reste beaucoup d’argent ?
– Alors tant mieux pour lui, il gagne plus ! »

Avant d’évoquer la richesse supposée d’un entrepreneur, il convient donc de lier l’idée du gain avec la notion du risque pris. Il apparaît alors naturel de gagner beaucoup d’argent à partir du moment où l’on prend le risque de ne rien gagner, voire de perdre l’argent qu’on a investi.

Ce raisonnement doit aussi s’appliquer aux patrons de grands groupes : leur réussite doit être récompensée tout autant que leur échec doit être sanctionné. Si l’état du groupe qu’ils dirigent se détériore sous leur direction, ils doivent démissionner sans indemnité, et s’estimer heureux d’avoir pu conserver leur salaire tout au long de leur mission.

A l’heure où de grands patrons d’institutions financières en mauvais état quittent leur entreprise, comment ne pas s’indigner de les voir toucher un chèque d’indemnités de départ en remerciement de services rendus ? Il devient insupportable de voir un parachute doré se déployer devant un avion en flamme. Les grands patrons doivent se comporter comme des entrepreneurs, y compris dans la gestion du gain et du risque associé.

Philippe Hayat